[Nathanael 'Nathan' Stuart] Un dernier rappel ?

Il fait nuit. La rue qui jouxte le stade est calme, de nombreuses barrières balisent les entrées, de nombreux véhicules sont stationnés tout autour. Pas un chat ne circule, seuls les lampadaires allumés garantissent un semblant de vision. Ce calme contraste avec le stade en lui-même d’où les cris, les lumières de projecteurs, sortent par le plafond ouvert de cette arène en pleine effusion. Le ciel est illuminé de la féérie du concert des Lighter Stones. Les vibrations des basses assourdissantes et des mouvements de la foule témoignent de la vie qui habite ce lieu pourtant désert.

Désert … pas complètement, dans la rue : une femme. Une jeune femme d’une certaine corpulence, habillée plutôt classe. Son tailleur : veste, chemisier, pantalon sombre, ses cheveux bruns rangés en chignon, pourrait laisser penser à une femme d’affaire plutôt stricte. Mais non, elle à l’air plutôt détendue, une boisson énergisante dans une main, son téléphone dans l’autre, et une clope à la bouche, elle semble même parfois se trémousser au rythme des Lighter Stones.  
C’est Evelynn Morales, "Evy", la régisseuse générale de la tournée des Lighter Stones. Cette femme qui en temps normal est toujours à fond, à donner des ordres à droite, à vérifier un décor à gauche, elle profite de "son" moment : le concert, où tout roule et où elle ne peut plus y faire, il ne lui reste plus que ce temps de pause.

Les phares d’une voiture arrivent dans la rue, le genre de véhicule qui attire le regard, une luxueuse berline noire. Elle s’arrête devant l’entrée VIP du stade, un homme sort du véhicule, ouvre la portière arrière. Un couple en tenue de soirée, l’air jovial, s’échappe du concert, et pénètre dans le véhicule. Puis la berline poursuit son chemin dans la nuit. Étrangement, Evy remarque que le portier est resté sur le trottoir et il tient une mallette à la main. Il entre dans le stade.
"Ah ! au moins il n’aura pas à tenir la chandelle !" pense Evy en tirant sa dernière taffe, et en se dirigeant elle aussi vers le stade. Les musiciens sonnent le rappel, dans quelques dizaines de minutes ce sera la fin du concert et la régisseuse va devoir reprendre son rôle de chef d’orchestre de la tournée.

"Faites le tour, je ne veux plus aucun spectateur dans le stade, guidez les retardataires vers la sortie !" Ordonne-t-elle à une équipe de sécurité.
"Toi, indiques à l’équipe éclairage qu’ils sont les premiers à démonter".
"Judith ? Nos stars sont dans leurs loges, qu’on ne les dérange pas, j’irai les voir d’ici une dizaine de minutes.".
Evy va passer dix minutes intensives à coordonner, guider, motiver les équipes qui se mettent en branle après le concert. Puis elle va aller vers la loge de Nathanaël Stuart.

TOC TOC TOC.
La régisseuse, munie de sa tablette tactile, attend seulement quelques secondes avant de s’inviter dans la loge, son travail n’est pas fini, et elle sait que le groupe va avoir besoin de ses compétences.
"Nathanaël, ah et Garry, super concert, c’est une tournée qui va faire du bruit !"
"Que prévoyez-vous pour cette nuit ? Repos, fiesta ?"
"Nathanaël, dois-je envoyer un message à votre femme ou Willow ?"
"Et n’oubliez pas que demain après-midi : conférence de presse, et le soir, vous avez un plateau télé".
Ces questions sont directives, car elles nécessitent des réponses, mais elle met toute la bienveillance qu’elle est capable d’user.

La loge a plus l'aspect d'un salon cosy que d'une loge de maquillage. Le fait qu’elle soit un espace VIP pour les événements sportifs y est sûrement pour quelque chose.
La grande baie vitrée ouverte sur le stade offre une vue panoramique sur l'enceinte. Les musiciens ont quitté la scène depuis un moment. Les différents staffs ont commencé à démonter les éléments scéniques. Les instruments retrouvent leurs écrins de velours, les micros sont débranchés, les câbles sont enroulés, les lumières sont éteintes, les derniers spectateurs quittent la pelouse d'un pas nostalgique sous l'œil attentif du service de sécurité. Peu à peu la nuit reprend ses droits, le brouillard commence à tomber sur la scène.

La scène, voilà ce qui motive Nathan. Du temps a passé depuis le début, ces débuts. L’époque où le groupe enchaînait les petites prestations dans les bars ou les boîtes jusqu’au petit matin. Nathanaël était tour à tour chanteur, simple musicien et même chippendale… La vie veut que l’on se souvienne seulement des bons moments. A croire que sur scène c’est toujours un bon moment.

Le plafond de la loge a, lui aussi, vu le brouillard tomber.
Nathan tire sur sa cigarette qui fait rire, relâchant un épais nuage de fumée, Garry entame une bière quand on frappe à la porte.

TOC TOC TOC.

Evelynn Morales franchit le seuil d’une manière autoritaire.
Nathan lève à peine un sourcil. Il l’apprécie et sait que son rôle est primordial seulement la sensation qu’elle arrive toujours au mauvais moment revient souvent.

"Nathanaël, ah et Garry, super concert, c’est une tournée qui va faire du bruit !"

Garry vide expressément sa bière. Les autres membres du groupe ont dû récupérer leurs matériels et s’il ne souhaite pas se faire reprendre, il doit y aller.
La carcasse de Nathan est toujours allongée sur le canapé, son costume de scène est à peine froissé, sa musculature encore ruisselante de sueur ressort admirablement bien, alors que déjà les questions fusent.

"Que prévoyez-vous pour cette nuit ? repos, fiesta ?"
"Nathanaël, dois-je envoyer un message à votre femme ou Willow ?"
"Et n’oubliez pas que demain après-midi : conférence de presse, et le soir, vous avez un plateau télé.”

La voix résonne dans la tête de Nathan. Des frissons parcourent son échine. Après un léger flottement, il se ressaisit, se redresse et fait face à Evy.
Il aime paraître pour cet ado cool à qui tout réussit et qui n’a pour seul intérêt la musique néanmoins il sait également que la régisseuse apprécie son côté professionnel. Même si au goût de celle-ci, ce n'est pas le côté que la star laisse transparaître le plus malgré ses 36 ans.

“Garry, prévient les autres que nous partons faire une virée, j’aimerais que la nuit ne finisse pas tout de suite !” lance Nathan à son ami.
Garry acquiesce en fermant la porte derrière lui.
“Et oui, Evy, j’aimerai que nos familles nous rejoignent. Une fois sur la route cela sera plus compliqué. D’ailleurs, si vous pouviez nous réserver un espace au Dublin Castle ? Sait-on jamais qu’ils aient un trou dans leur programmation cette nuit…”
“Et vous avez des nouvelles pour le Ziggo Dome pour les dates des Pays-Bas ? J’ai hâte d’essayer l’acoustique de cette salle !”
“Bon je file à la douche ! On se retrouve en bas ?!”
Il écrase le reste du joint dans le cendrier puis se retourne en saisissant les deux fiches que lui tend Evy.
“Et ne vous inquiétez pas pour les interviews, je vais réviser ou improviser … comme d’habitude.”

Evelynn Morales écoute les réponses des artistes, et en bonne professionnelle, elle tapote sur sa tablette numérique des prévisions pour la suite des tournées. Le secret dans ce métier est d’avoir un coup d’avance, et d'être dans les pensées de " ses" artistes. Aussi Evy avait déjà anticipé les désidératas de Nathanaël et sa troupe. Le taxi pour la soirée était réservé, le Dublin Castle programmé… La régisseuse en profite pour annuler les quelques autres réservations qu’elle avait faites en prévision et écoute Nathan. Du bout de ses doigts, quelques billets d’avion, chambres d’hôtel, sont retenus.

"Pour le Ziggo Dome, j’attends encore les dernières précisions, mais tout reste à croire que vous pourrez faire vibrer fosse et gradins !" indique Evy avec le sourire aux lèvres.
"Je fais en sorte que vos familles, soient avec vous d’ici 2 jours !" ajoute la régisseuse.
Alors que Nathan s’apprêtait à se rendre dans l’arrière loge pour sa douche, Evelynn tourne les talons et attrape la poignée de la porte :
"Ah ! et pour le Dublin Castle, je vais tâcher de voir ce que je peux faire" dit elle tout en faisant de la désinformation sur les réseaux sociaux pour la soirée, au moins " ses artistes" pourront profiter d’une soirée plus calme sans un flot de fans hystériques, enfin probablement de faible durée.

En rejoignant les équipes de démontage pour régler les derniers points, Evy croise Judith, la jeune mais néanmoins compétente stagiaire. Cette dernière semble préoccupée, et son visage s’illumine quand leur regard se croise.
"Judith ? un problème ?"  Demande Evelynn. Et la stagiaire lui tend un pli particulier.
"Qu’est ce que c’est que cette enveloppe ?" Ajoute la brune au chignon.
A l’observation, la grande enveloppe en papier kraft contient d’autres lettres. Ces lettres sont en papier de très bonne qualité, l’écriture est à la limite d’être calligraphiée, une lettre à l’attention de chacun des membres du groupe. Chacune est scellée à la cire rouge.
Evy obtient des explications de Judith, qui lui indique qu’un homme en costume avec une attaché-case avait pénétré dans le stade, les agents de sécurité allaient le mettre dehors, quand la stagiaire est intervenue pour en savoir plus. L’homme lui a tendu l’enveloppe, et indiquant de ne l’ouvrir que demain après les interviews, il avait également ajouté un billet de 50 livres sterling.

"Judith ! un rien vous perturbe, vous verrez bien d’autres choses plus bizarres !
Des taxis vont arriver pour conduire le groupe au Dublin Castle, vous devriez les y accompagner et vous réglerez les notes. N’oubliez pas d’être professionnelle !" termine-t-elle en tapotant amicalement l'épaule de la jeune.

L'activité festive du quartier de Londres, Camden Town, contraste avec l'ambiance qui règne dans la voiture, calme et studieuse. Nathan y est relaxé, les exercices physiques et la douche lui ont fait du bien. Il a lu les fiches préparées par Evelynn pour les prochaines interviews, griffonnant des commentaires qu'il ne relira pas. Le simple fait de les écrire lui suffit pour les mémoriser. 
A côté de lui, Judith fixe sa tablette intensément. Intimidée, elle n'a pas levé la tête depuis le départ. Nathan sourit en remarquant qu'elle lui faisait penser à la Evy des débuts, timide et stricte. Cette dernière a bien évoluée et prit de l'assurance avec les années de pratique.
La devanture rouge du pub se reflète dans les vitres du taxi.  
Nathanaël rassure la jeune femme.
"Pas d'inquiétude, ça va bien se passer, on sera sage" lui lance-t-il avec un grand sourire et en lui tendant les fiches des interviews.
Nathan sait qu'avec l'excitation d'avant concerts, lui et ses amis ne sont pas toujours tenables, les soirées d'après sont beaucoup plus calmes et détendues… à quelques exceptions près. 
 
Les Lighter Stones sont déjà à l'intérieur du pub quand Nathan franchit le seuil. L’odeur de la bière vous saisit les narines, une musique rock caresse vos tympans. Le pub est connu pour accueillir des stars en toute décontraction et les fans le savent bien. Aussi ils ne sont pas trop hystériques en le voyant. Certains demandant des autographes à même la peau, d'autres un simple check. Une petite quinzaine de minutes pour rejoindre la table de ses amis n'est pas de trop. Les bières et une bouteille de whisky sont déjà sur la table. En face, une belle blonde, Sophie Lloyd, capte l'attention du public depuis la petite scène triangulaire au fond du pub. Elle et Nathan ont eu une histoire, elle l’a aidé à remonter la pente après la tragique disparition de son premier amour, Hanna. Mais c’était bien avant qu’il ne rencontre sa femme d’aujourd’hui, Kirsty. 


Il jette un œil sur la programmation. En habitué, il sait que les fins de soirée ne sont pas toujours assurées, mais pas ce soir…
Hum… Qu'à cela ne tienne, peut-être qu’en sollicitant Sophie, elle acceptera un duo ? De plus, le groupe lui en sera reconnaissant, ils auront droit à un peu de “repos”...

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Sophie Lloyd au The Dublin Castle

Une femme au visage angélique, aux paupières bien maquillées, les yeux surlignés de noirs, une longue chevelure blonde soyeuse et soignée couvrant une moitié du visage, vêtue d’un jeans noir déchiré, d’un T-shirt noir à l’échancrure prononcée, la poitrine écrasée par une guitare violette, est assise sur le tabouret de la scène du Dublin Castle. Nul doute que Sophie Lloyd attire les regards.
Le médiator qui vient gratter les cordes de l’instrument, les notes jouées, les accords, la mélodie, la musique électrique, métal qui en émane, puis la voix s’y ajoutant, attirent l’oreille.
De ses mimiques, les yeux tantôt plissés tantôt ouverts, le sourire aux lèvres, accompagnent et alimentent la musique. L’artiste vit sa musique et les spectateurs n’ont d’autres choix que d’écouter et de regarder.

Le temps de son passage sur scène, Sophie Lloyd a fait son effet sur l’ambiance de la soirée dans le pub. Le public en veut plus, mais ce n’est pas sa scène, alors elle approche doucement son visage du micro, fait un clin d’œil au public et chuchote d’une voix suave : "Je reviens dans la soirée, à tout à l’heure" , puis quitte la scène, dans une huée de plaintes retenues du public.

Pendant sa prestation, Sophie avait vu l’arrivée des musiciens des Lighter Stones, aussi elle n’est pas surprise de voir Nathan attablé. Elle traverse le public oppressant, fait quelques photos avec des fans insistants, et rejoint la table des Lighter Stones.
"Tiens, tiens, ces têtes ne me sont pas inconnues !" dit Sophie en regardant un à un les membres du groupe. Elle termine par Nathan à qui elle adresse une bise sensuelle et interminable au coin de ses lèvres, accompagnée d’une insistante accolade.
"J’espérais te voir ce soir… je suis contente" Elle tire une chaise et s’installe. La jeune femme lève la main en s’adressant au bar, et d’un geste sans équivoque pour la barmaid, commande une tournée de pinte.
"Vous venez écouter de véritables artistes !" dit-elle en rigolant franchement et pour détendre la rencontre.

Une odeur âcre. Une fumée épaisse. Sur le canapé, un cadavre est étendu.  
Trois coups résonnent contre la porte en bois.  

BOUM ! BOUM ! BOUM !  

“Y a quelqu'un ?” Hurle une voix masculine.  
“Évidemment qu'il y a quelqu'un ! Nathan ! Nathanaël répond !” Crie une voix féminine.  
“La porte est chaude ! Attention ! On va ouvrir !” Continue d'affirmer la voix masculine.  

CRAC !  

Le bélier pourfend le bois ne laissant aucune chance à la serrure.  
L'ouverture ainsi créée réveille le feu sous-jacent. Des flammes dignes de l'enfer se dressent dans l'embrasure de la porte. Les pompiers abaissent la visière de leur casque et se font avaler par les flammes.  
Seul reste le souvenir des ombres qui le saisissent, leurs têtes luisantes et leurs voix étouffées :  
“Nathanaël !  Restez avec nous !”

La musique s’est tue. Les songes s’estompent. Une ange est apparue.
“Tiens, tiens, ces têtes ne me sont pas inconnues !” dit-elle.
Son doux parfum, qui malgré l'heure passée à chauffer en pleine lumière des projecteurs, permet à Sophie de faire encore sensation auprès de Nathan.  
Le retour au présent le laisse désemparé.  
Il est vrai qu’une dizaine d’années sont passées, peu de souvenirs lui restent de ce funeste jour. La disparition d’Hanna l'a complètement anéantie. Encore plus que leur séparation. Avant d'être en couple, ils étaient des amis, des amis d'enfance qui après des années à se côtoyer avaient fini par former un couple d’amoureux. Cela s’est fait naturellement, dans un consensus silencieux de part et d'autre.  

Sophie et Nathan ont de nombreux points communs, l'amour de la scène d'abord, le goût de la musique et un effet magnétique sur leur entourage. Ils étaient faits pour partager un épisode de leur vie.
Comment ne pas être sous son charme ..?  
Puis Nathan se remémore les moments de conflits, d'énervements et de pleurs, l'amertume s'éprend de lui. La bière a un arrière-goût de tristesse. Il refixe la belle blonde.  
Le temps ne chasse pas les mauvais souvenirs, la bière non plus.  
Il vide son verre d'une traite !  
”Vous venez écouter de véritables artistes !” dit-elle en rigolant franchement et pour détendre la rencontre.
"Une petite chanson, ça tente ?" Lance-t-il à Sophie.  
"OK mais c'est moi qui choisi !"  
"Comme si j'avais déjà eu le choix" sourit Nathan à Gary.  

Après la chanson choisie par Sophie, les fans demandent une chanson star des The Lighter Stone. Nathan enchaîne alors avec une balade qu'ils ont écrite à deux...

Malgré son apparente assurance et imperturbabilité, revoir Nathan, met à jour, en Sophie, quelques faiblesses. En attrapant la main de Nathan pour le guider à travers la foule vers la scène, le contact de sa peau lui fait comme un électrochoc… des souvenirs … des bons et des mauvais. Des regrets, beaucoup de regrets, et enfin de l’impuissance.

Arrivée sur scène, Sophie s’installe, approche le micro de ses lèvres, un léger bruissement se fait entendre sur la sonorisation de la salle. Le public qui jusqu’à maintenant était occupé à boire, discuter, s’amuser, se tait petit à petit pour laisser place aux artistes. Un silence de quelques secondes, laisse un sentiment d’impatience haletante à la salle, et permet surtout à Sophie de capter le regard de Nathan :
« You Could Be Mine » dit-elle en le regardant droit dans les yeux … « des Gun’N’Roses » et la blonde entraine Nathan en commençant les quelques notes sur sa guitare. Un long morceau d’introduction s’en suit, où chacun des deux artistes se répondent, comme une fusion musicale. Sophie est comme transportée dans une autre dimension, où se mélangent des images de ses souvenirs, ses souhaits et ses espoirs. Elle se voit aux côtés de Nathan, dans une volute de bonheur, l’homme ne semble pas la regarder et il semble même s’éloigner à mesure qu’elle cherche à l’attirer à elle… Au moment où il disparait, Sophie revient à la musique. Elle commence à chanter les paroles d’une façon suave, retenue.

Les yeux rivés sur Nathan, la chanson se termine. Qu’avait-elle loupé ? Absorbés par la foule, ils enchainent sur un morceau des The Lighter Stone. Sophie n’est plus maitresse de la situation, l’illusion que Nathan lui prêtait de l’attention n’aura duré que quelques instants, elle se laisse bercer par la musique et l’accompagne. Les fans sont conquis, la blonde sourit, elle laisse la scène au groupe.

Sophie s’assoit aux côtés de la jeune femme qui accompagne le groupe, cette dernière n’a pas touché à sa pinte.
« Vous ne buvez pas ? » demande la blonde, interessée.
« Ah ! Non merci » répond Judith, en poussant la pinte.
« Vous verrez vous finirez par vous amuser » enchaine Sophie tout en buvant le verre de Judith. « Nathan va bien ? » demande t’elle l’air de rien.
« Oui la tournée commence bien, cela devrait faire un carton » indique la jeune femme avec assurance.
« Non je veux dire, euh, amis, femmes ? » demande Sophie toujours l’air de rien.
« Ah ça ! Oui sa femme et son enfant nous rejoignent bientôt, Nathan a hâte de les retrouver, je crois. A dire vrai, cela ne me regarde pas trop.» termine Judith, pensant qu’elle en avait déjà dit suffisamment.
« Ah ! » Sophie, honteuse, ingurgite une bonne rasade de pression. Intérieurement elle aurait voulu un peu d’espoir, mais cette rencontre est peut être un point final. Finalement le destin les a t'il réunit ce soir pour mettre un terme à l’incompréhension ? Sophie regarde sa pinte vide, et se dit que ce n’est pas le bon soir pour abuser des bonnes choses. Et elle profite du concert improvisé…

  

La nuit qui a précédée l’interview de Nathan, Evy n’était pas tranquille, depuis sa chambre d’hôtel, elle avait surveillé tous les réseaux sociaux espérant qu’aucun débordement ne se produise au Dublin Castle. Alors qu’elle était en train de se servir son troisième verre de vin, elle tomba sur une vidéo d’un fan filmant la chanson de Nathan et de Sophie Lloyd. Le moment était d’une telle émotion que cela rassura la régisseuse. Elle s’assit sur le rebord de son lit. La popularité de The Lighter Stone montait en flèche et l’information était largement relayée. Au moins à force de sermonner les membres du groupe de musique, sur les bonnes conduites à tenir, cela finissait par porter ses fruits !
Evelynn, habillée d’une simple nuisette, se laissa tomber à la renverse dans son lit. Elle aurait bien aimé profiter encore un peu plus de la nuit, sortir, peut-être même ramener un coup d’un soir. Mais là, sa soirée était plus satisfaisante qu’elle ne l’aurait espérée. Elle laissa les informations de la télévision en fond sonore, continua à siroter deux ou trois verres de vin et s’effondra de fatigue.


A l’aube, le sommeil d’Evelynn est interrompu par les débats mouvementés de la télé encore allumée : « … plus inquiétant, c’est que nous n’avons encore aucune idée de l’origine de ce problème. Les astronomes nous ont assuré qu’aucun phénomène stellaire n’a été répertorié. Aucun endroit de la surface de notre planète n’est épargné. Monsieur le ministre, nous avions déjà remarqué ce phénomène il y a plusieurs semaines, vous ne nous avez pas écouté, il est peut-être temps de… ». 
Elle émerge avec un mal de crane, maudissant ce fichu vin dont le cadavre de la bouteille gisait sur la moquette de la chambre. La femme baisse le son et se prépare pour conduire son groupe dans les studios de chaine de télévision pour l’interview.
« Tant mieux si les nuits sont plus longues, j’en connais quelques-uns de mon entourage que ça va plus arranger qu’autre chose !». En finissant de se maquiller la régisseuse avise, les enveloppes que Judith lui avait confiées la veille.
« Qui utilise encore ce genre de cachet avec de la cire, franchement ! d’où proviennent t’elles donc ? » Evy y regarde d’un peu plus prêt, et son sang fait un tour au moment où elle comprend ce que cela peut être : « putain ! »
 
…

L’interview terminée, Evelynn Morales convie, en fin de journée, l’ensemble des membres du groupe et leur famille présente dans la partie lounge du bar l’hotel, pour un moment de détente, convivial et agrémenté de collations.
« Ce n’est pas habituel que nous nous réunissions ainsi, mais je tenais à vous féliciter. L’impact médiatique de votre dernier concert, l’interview de ce matin, tout ça fait que l’avenir devrait être radieux ! » Elle interrompt Nathan avant qu’il ne rebondisse sur ses propos.
« Mais ce n’est pas tout, et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai voulu marquer le coup aujourd’hui » Evy sort les enveloppes, et les distribue aux membres des The Lighter Stone.
« Je n’en ai pas encore la certitude, mais je l’espère, ce qui se trouve dans ces enveloppes devrait marquer un tournant dans vos carrières ! »

Rouge sang !

La petite pièce est rouge sang !

D’aucuns l’appellent le couloir, éclairée par la seule enseigne lumineuse ON AIR NO ENTRY, la pièce baigne dans une ambiance surréaliste où personne n’aime s'arrêter.
Derrière la porte, la mèche de Rémy, le producteur, bat la mesure au rythme de la batterie de Garry “Bear” Buddy. Michel, l’ingé-son joue sur sa table de mixage afin d’harmoniser et canaliser l’énergie du groupe.

Nathan aime varier les sessions d’enregistrement, donnant ainsi une couleur différente à chaque morceau. Le studio en plein centre de Londre est assez grand pour accueillir l’ensemble du groupe et leurs instruments. Bear refuse de jouer si ce ne sont pas ses peaux qu’il a lui même tendues, Sarah “Sisi” Amico est une vraie princesse quand il s’agit de son clavier. Ella “Elly” Rose Richards, la guitariste, et William “Bootsy” Earl Collins, le bassiste, aime avoir le choix dans leurs cordes. Quant à Nathan, s’il n’a pas un canapé où allonger sa longue silhouette tel un ado épuisé par la vie, il n’arrive pas apprécier un bon son.
L’ambiance ainsi posée donne la sensation que la musique est vivante, que les instruments se répondent d’une manière flagrante. A l’inverse, pour donner l’impression d’intimité, Nathan privilégie l’enregistrement solo, instrument par instrument, laissant à chacun les silences dont ils ont besoin. Vrai chef d'orchestre dans ce domaine, les autres membres du groupe lui font une confiance aveugle.

La session collective se termine. Le groupe semble satisfait. Même si tous savent parfaitement qu’à la prochaine réécoute, chacun trouvera à redire sur sa piste.
"Vous pouvez être fier !" s’exclame Rémy au groupe enthousiaste qui le rejoint dans la pièce d’écoute.
"Je suis persuadé que nous tenons un tube !"
"Notre avenir est assuré !"
"Et notre postérité !"
"Essayons déjà d’assurer notre demain." calme Nathan.
"Oui, aujourd’hui vous allez vous coucher ! Il est 9h du matin, cela fait presque deux jours que vous êtes là…" coupe Rémy.
Avant d’ajouter :
"Mais, vous avez raison, un jour vous serez des stars, adoubés par les plus grands !"

Cette dernière phrase résonne encore dans l’esprit de Nathan. Sur la table du salon trônait l’enveloppe ouverte, ainsi que la convocation officielle du roi William V, sur recommandation du 1er ministre, pour recevoir l'ordre des compagnons d'honneur…

Adoubé par les plus grands, on vous dit…

Rouge sang !

Le tapis est rouge.

Les marches du palais de Buckingham, où va avoir lieu la cérémonie officielle de la remise de l’Ordre des Compagnons d’Honneur de 2034, sont parcourues d’un tapis rouge.
Derrière les grandes portes du palais royal, un couloir richement décoré. Il mène vers la grande salle d’apparat où maitres d’hôtel, personnels du palais, placent les convives et ajustent les décorations avant l’arrivée imminente des lauréats. Les intérieurs opulents du palais sont un véritable spectacle : des peintures de Winterhalter, des sculptures, de la porcelaine fine.

Les souverains britanniques aiment à varier les domaines dans lequel L’Ordre des Compagnons d’Honneur récompense les services rendus aux pays : arts, littérature, musique, industrie… Le roi William V remettra cette année cette médaille aux membres du groupe rock « The Lighter Stones » et Ismael Jhélam, Le PDG de la Byrd Corporation, une entreprise d’aéronautique.
L’ambiance est solennelle, protocolaire, elle donne l’impression d’être d’un autre temps. Les convives sont silencieuses, attendant les yeux rivés sur l’extrémité du tapis rouge où devraient arriver le roi et sa suite ainsi que Sarah Amico, Ella Rose Richards, Garry Buddy, William Earl Collins, Ismael Jhélam et Nathanael Stuart.

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A quelques dizaines de mètres de cette scène d’un nouveau genre pour The Lighter Stones, Evelyne Morales guide le groupe à travers la foule de journalistes, fans et badauds, tassés sur le parvis du palais de Buckingham.

« S’il vous plait, faites quelques photos et autographes, mais ne trainez pas ! » Dit-elle de façon stressée et inhabituelle. La régisseuse avait passée quelques nuits blanches pour les préparatifs détaillés et minutieux de la cérémonie ainsi que pour brieffer le groupe. « Je suis habituée aux désidératas saugrenus et fantaisistes, mais ici vous n’imaginez pas : c’est la cour des grands ! » Evy ricanne nerveusement : « hein, la cour… des grands ». Elle réajuste un vêtement d’Elly tout en avançant dans le couloir. « N’oubliez pas, le protocole, révérence et tout comme on a dit, on se rejoint tous après au cocktail qui est prévu dans les jardins du palais. » Evy est arrêtée par la garde royale et perd de vue ses protégées qui s’apprêtent à passer le pas de porte de la salle de cérémonie…

« La cour… des grands »

Nathanaël est en pyjama, il porte une couronne sur la tête, un sceptre à la main et une cape rouge avec de l’imitation d’hermine blanche qui traîne par terre.Il est pourtant parfaitement sobre. Il déambule jusqu'à une limousine bentley royal...

Voila 2 semaines que le groupe The Lighter Stone a été reçu par le roi.

Une grande partie de la population respecte l’idée de la royauté, du pouvoir monarchique, des signes ostentatoires de richesses, des robes de princesses et des courbettes sans fin.
Mais qu’en est-il d’un groupe de rock ? D’un groupe de rebelles qui a quitté le campus à 15 ans. Peuvent-ils valider ce mode de fonctionnement ? C’est la question qui a tourné en boucle dans l’esprit de Nathan.
Alors il a posé une condition, rencontrer l’homme qui à motivé leur invitation pour savoir pourquoi ? Pourquoi eux ? Nathan ne tenait pas à être un outil de propagande.

Le groupe ne se posait pas autant de questions. Ils avaient raison. Profiter du moment et du travail accompli, être enfin adoubé et respecter, et par-dessus tout prendre du plaisir, voila leur crédo.
Alors que la réception bat son plein, les gens se décontractent peu à peu. Les différents artistes qui ne se côtoient guère habituellement se retrouvent mêlés à la foule d'aristocrates.
Nathan est interpelé par une femme, celle-ci l’invite à le suivre. Après avoir franchit trois portes et croisé plusieurs gardes royaux, la jeune femme lui explique qu’il va être reçu par celui qui à demander à décorer The Lighter Stone, le roi lui-même.

Après la décoration et l'entrevue avec le roi, l’idée d’une chanson puis celle d’un clip ont germé chez Nathan. Les paroles provocantes à souhait dénoncent la monarchie et l’enfermement dans leur prison dorée. Le clip parodie un roi qui devient fou et cherche à sortir de cet enferment voulant jouir des plaisirs de la vie.