Feuillevent - Chapitre 4 - Le secret du Dolmen - 26 janvier 2018

Mon énergie se vide. Je me meurs. Etait-ce prévu ainsi ? Quelle douleur !
Mon énergie se vide. Ce monde va disparaître. Les êtres fées que j’aime tant ? Je les abandonne !
Mon énergie se vide. Je me meurs. J’ai presque vu le temps naître. Je pars avant la fin.
Mon énergie se vide. Mes feuilles disparaissent et s’envolent. Ma sève circule encore. Elle m’empoissonne.
Mon énergie se fane à l’aube du printemps. Les êtres fées sont dans le coma. Et c’est ma faute.

Cette lame absorbe mon flux vital. Je me meurs. Quelle douleur !
J’aurais pu arrêter ce voleur de vie. Mais j’ai voulu permettre aux enfants de découvrir le monde de l’autre coté. Il y avait si longtemps.
Et c’est un maudit que j’ai laissé passer. Seules les nobles âmes devaient découvrir le rituel.
Me suis-je laisser endormir ? Moi qui voyageais tant avant de me poser ici, il y a de cela… si longtemps…
Depuis combien de temps ne me suis-je pas déplacé ?

Les ères de vie défilent à ma mémoire.
Finalement, un seul regret compte. Celui de l’avoir laissé me duper et filer, cet enfant de mes feuilles.
Je savais avant de le concevoir que les dragons fées avaient une nature curieuse. J’aimais son babillement.
J’ai dû le décevoir. Il m’a tant supplié de l’accompagner. Et il est parti seul, déçu et triste, sans même un regard en arrière.
Ce sont les enfants fées qui ont pleuré les premiers mais bon nombre d’adultes également en secret. Moi-même. Ah ! Quelle douleur et quelle tristesse dans ma sève.

Mon énergie se fane et ce monde va mourir, par ma faute.
Tiens, à travers le brouillard de ma conscience qui s’éteint, une autre demande pour un passage. Si ce sont des ennemis, qu’à cela ne tienne. Ils mourront avec ce monde. Viennent-ils pour le maudit que je retiens prisonnier pour encore un peu de temps ?
Si ce sont des alliés. Las ! Mes alliés sont depuis longtemps disparus…
Je tends ma conscience afin d’ouvrir de nouveau le portail.
Quelle étrangeté d’ouvrir en un moment pareil ce monde à deux elfes de lune. Ils sont accompagnés d’ailleurs par deux ensorceleurs humains. Sonder leur esprit me reste encore accessible. J’aurais dû le faire pour le maudit assassin. Ce sont des êtres plutôt avec de nobles intentions manifestement. Ils sont à la recherche d’un lieu de pouvoir. Ironie du sort, c’est moi qu’ils cherchent et je me meurs. Ah, ils prennent soin de mes enfants, de ces êtres fées faits pour le rire et le chant. J’aurais aimé les connaître.
Ahhhhh. Le soulagement. L’un d’entre eux vient d’ôter la lame maudite qui était plantée en moi. Un soulagement et un répit. Cependant, je suis triste pour lui. C’est un jeune humain et il ne méritait pas par ce geste noble d’être payé de retour en devenant le porteur de cette terrible lame. Ma conscience s’éteint et je n’ai pu le prévenir.
Cependant, son geste libère les êtres féériques de leur transe. Leur gardien du savoir, Efyalme Dialexisth, donne à ces jeunes hommes les éléments de compréhension de notre situation.
Mais le poison poursuit son effet et je ne puis presque plus suivre leurs échanges, même si je perçois un regain d’espoir chez mon vieil ami… Il me sera épargné de le sentir partir de ce monde lui aussi…

Mon énergie se vide. Je meurs. Quelle douleur !
Mon énergie se vide. Ce monde va disparaître.
Mon énergie se vide. Je pars avant la fin.
Mon énergie se vide. Ma sève cesse de circuler.

Ma conscience somnolente s’éveille malgré la douleur.
Je perçois étrangement… Oh ! L’essence de Newtyaërl’Arch Scharmëyaèle, le dragon fée issu de mes feuilles. Une parcelle de son essence, perceptible malgré mon état. Quelle brillance ! Quel éclat !
Je perçois dans mon demi-délire que son être de dragon fée a passé et qu’il a revêtu son habit suivant, celle d’un arbre magnifique ainsi que je l’étais. Lui qui me fustigeait et se moquait de mon immobilité, il m’a honoré à sa mort pour revivre en partie ma condition. J’en suis touché.
Oh ! Décidément, les hommes ont bien changé et sont plus nobles que dans mes souvenirs de jeunesse. Voici que l’un d’eux vient de sacrifier une partie de son essence pour animer le bâton de vie contenant l’essence de Newt. Il vient ainsi, sur les conseils du gardien du savoir, de sauver ce monde en lui redonnant un ancrage.

Je suis heureux malgré la souffrance et le passage qui m’attend. Je me dois de garder présent et vivant les noms de ces jeunes héros. Reagan et Aegnor Valar les elfes de lune, Khadgar et Sjkor les humains. Ils sont si jeunes. Mais ils vivront longtemps dans ma mémoire au-delà du passage. Je comprends à la lecture de leurs esprits que le dessein s’est acharné sur moi et ma communauté d’êtres féériques par une nécessité maudite. Je sais que l’essence de Newt leur fera maintenant obstacle comme je l’ai fait durant ces derniers éons. Il sera un gardien plus alerte que je ne l’ai été à la fin. Il est prévenu contre cette secte maudite qui a fait obstacle aux compagnons en leur opposant des morts-vivants et des enchantements honnis.

Plus tard, le gardien du savoir fera connaître aux compagnons sauveteurs les dispositions que j’ai prises pour eux.

Mon énergie se fane. Je meurs. Quel silence !
Mon énergie se fane. Ce monde va perdurer.
Mon énergie se fane. Je salue le nouveau gardien.
Mon énergie se fane. Mon âme est en paix…