Feuillevent - Chapitre 5 - La forterese de Cavepierre - 23 juin 2018

Il y avait bien longtemps que les nains n’avaient plus martelés le parapet du pont. Les seuls faibles échos qui avaient traversés les décennies provenaient du fond du gouffre, et encore, qui à part les Dieux aurait été capable des les entendre ?
Pourtant, quelqu’un approchait. Plusieurs personnes, certaines discrètes et d’autres non. Mais celle qui faisait du bruit était indéniablement un nain ! Ils étaient revenus et exploraient de nouveaux le complexe de Cavepierre. Si les pierres et les rocs avaient pu s’exprimer, nul doute qu’ils se seraient exclamés !
Pourtant, les grottes ne sont plus aussi sûres qu’avant et des créatures s’y sont installées. L’une d’elle attend son heure. Vivre en harmonie avec la pierre forge la patience.
L’un passe puis un second, et encore un autre. Chacun à sa manière évite de réveiller le prédateur. Jusqu’au dernier, qui lui est un nain, vaillant et fier, issu d’une race fière et noble, noble lui-même de par sa naissance.
Il traverse le pont avec le pas sûr de ceux qui se sentent fort et en sécurité.
Fort, il l’est à n’en pas douter mais en sécurité… La bête perçoit ses vibrations clairement et même si la taille ridicule risque de na pas la satisfaire, il y a bien longtemps qu’elle n’a pas été repue. Elle s’étend, s’élance, ses anneaux glissant les uns sur les autres. Elle file vers sa proie. Wodomir, bien qu’en alerte ne peut imaginer ce qui s’abat sur lui. Et il ne le perçoit qu’au dernier moment, lorsque c’est trop tard. Ses camarades atterrés voient un immense ver pourpre, seigneur des profondeurs, à la place où se tenait à l’instant leur compagnon. La bouche énorme a enserré le nain trapu. Déjà, les bruits de succions laissent à penser que le nain va rapidement finir dans ce qui sert d’estomac au monstre géant.
N’écoutant que leur courage, chacun des compagnons use de ses talents pour défendre le nain.
Reagan enchante une flèche à l’aide de son arc de Newt et cherche à paralyser le gigantesque ver, ce qui laisse le temps à Karell de chercher à faire une brèche pour libérer son compatriote. Les autres cherchent à blesser le grand ver pour lui faire lâcher sa proie mais celui-ci se laisse glisser dans le gouffre pour rejoindre son antre et probablement digéré tranquillement à l’abri de ces êtres insignifiants.
Le sort de Reagan a toutefois permis de gagner du temps et c’est à Aegnor de faire preuve d’astuce en emprisonnant dans une toile leur adversaire et en le soudant au pont. Le corps cesse de glisser et permet de nouveaux coups des uns et des autres. Chacun est conscient que leur compagnon est en grave danger, sans se douter que lui aussi lutte et cherche de son côté à se créer une sortie alors que les sucs digestifs commencent à faire leur office.
Mais la toile ne saurait résister longtemps au poids du monstre et déjà, elle lâche, de plus en plus. Des coups rageurs de la compagnie, le monstre les subit encore et encore, au point que sa vie ne tient qu’à un fil, lui qui a tant vécu. Et bientôt, son énergie vitale affaiblie s’éteint sous les dures morsures des armes et des sorts.
Le destin peut être traitre parfois. Alors que les forces de Wodomir l’abandonnent et qu’il se trouve à manquer d’air, le monstre cesse de vivre. Le mouvement de repli amorcé fait cependant basculer inexorablement le corps du ver dans le gouffre.
C’est alors que Karell, n’écoutant que son courage ou grisée par la rage du combat se précipite dans la gueule du monstre au mépris de sa vie. Elle se projette de toute sa force pour saisir la botte de son compagnon d’arme. Rien ne pouvait laisser à prévoir son geste fou. Elle chutera elle aussi et ce sera deux compagnons de perdu.
C’était sans compter sur la solidarité des nains car bientôt, c’est Goisny qui se précipite à son tour et happe la propre botte de Karell. Sont-ils tous fous ou suicidaires ? L’ensemble poursuit sa chute et rien ne saurait l’entraver. Le poids du ver est bien trop important.
Il est dit dans d’autres histoires que les petites gens sont de drôle de personnes… Erwann aussi en fit la preuve ce jour là, dans les profondeurs de Cavepierre en se précipitant à la suite de Goisny et en lui attachant prestement une corde au pied sans probablement que lui-même su comment il avait fait. Hurlant ses instructions de toute la capacité de ses poumons, il lança l’autre bout de la corde à Reagan. Chacun avait déjà pu remarquer les réflexes hors norme de l’elfe. Mais ce jour là, il entra dans la légende.
Comprenant les instructions suicidaires du petite gens, il se précipita à l’opposé de la chute du grand ver. L’arc de son envol se ralenti et sa chute s’amorça ; Le phénomène de balancier concocté par le minuscule druide fonctionna. Reagan pivota pour se mettre en position, effleura le dos du ver, sa corde faisant presque une boucle avec le pont, puis il GRIMPA sur le vers et couru pour bloquer la corde.
Le bruit de succion parut irréel pour chacun des témoins de cette scène apocalyptique.
Alors que le corps immense tombait, la corde se tendit sur la cheville de Goisny, laquelle su tenir celle de Karell qui apparue soudainement en entier. Et enfin, la main de Karell tenant Wodomir qui jaillit un diable de sa boîte, dégoulinant de sucs digestifs, haletant mais vivant !
Tous se précipitèrent afin de faciliter le retour sur ce pont ancestral.
Les sourires ravis récompensèrent chacun des risques pris et nul ne consenti à rompre la magie du moment.
Bien sûr, plus tard, de se rendre compte que des derros, des nains pervertis et dégénérés avaient investis la place rendis sombre les nains du groupe, de même que la découverte de la porte fracturée menant à Ombreterre. Cependant, cette expédition fut couronnée de succès par la récupération du livre sacré des nains. Ce ne fut pas sans mal et les combats furent âpres avec les nains et sorciers Derros.
Mais ce qui resta finalement fut peut-être cette improvisation de balancier collectif…
La cicatrice sur la joue de Wodomir leur rappelle cela chaque fois qu’ils le croisent. Quand à Wodomir, elle lui rappelle le trésor du Grand Ver qui git peut-être au fond du gouffre…